Tout d’abord, je me demande pourquoi j’écris cet article, car la
" magie rose " ou pour parler en langage
clair : la " magie pédé " n’existe
pas ! Comme il y a des bouchers, pâtissiers, jardiniers pédés,
il y a beaucoup de magiciens pédés. Il existe une peinture homo, un
cinéma pédé, une photographie pédé mais il n’y a point une
boucherie pédé ou du jardinage pédé. On s’en fout si les éclairs
au chocolat sont faits par un homo ou un hétéro. Mais ce qui me semble normal pour les métiers courants , me paraît
impardonnable pour une profession qui se veut artistique comme la magie.
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Primo, être pédé n’est pas un état d’esprit, ni une
extravagance, pas plus qu’une secte comme l’affirmait dans toute son
innocence la secrétaire de mon impresario en me voyant à la GAY PRIDE
sur le char de BPM….une chose est sûre : on est ou on devient
homo pour des raisons qui sont jusqu’à ce jour imprégnée d’un
flou scientifique total ; je parle aussi de ma propre expérience.
Par contre j’ai rencontré dans divers lieux homos davantage de
confrères (amateurs et professionnels confondus) qu’au siège de l’AFAP
qui aurait intérêt à changer d’adresse...
Parlons un peu d’histoire : dans les années soixante, un
garçon qui découvrait que sa libido allait vers ses semblables, devait
faire face à une énorme souffrance (ce qui n’est plus le cas aujourd’hui).
Selon le dicton " les yeux qui ont pleuré voient
davantage ", je suis étonné de la nullité, du conformisme
et du manque de courage des magiciens-pédés de ma génération !
A l’époque, on était quasiment obligé de s’enfermer dans une
solitude malsaine. Faire part de ses envies à ses copains, parents,
frères et sœurs, copines, fiancées (mais oui !) était un
suicide social total : cela aurait eu le même effet que d’avouer,
en 1997, être pédophile scato front national ! Peu de jeunes
pédés devenaient magiciens par goût de la beauté, du mystère pour
faire passer un message. Dans la plupart des cas, c’était un refuge,
la frime ou le goût de la dissimulation. La laideur du matériel
scénique et la nullité de la mise en scène-encore aujourd’hui-en
est la preuve. Quelqu’un m’a dit un jour que l’on ne devient pas
magicien par envie artistique mais parce qu’il y a quelque chose qui
ne va pas…
Copperfield, de ses propres aveux, était laid, timide et moche. La
magie a fait de lui le beau ténébreux qu’on connaît. Siegfried et
Co ont su briser leur solitude par la magie, et ils sont devenus les
rois de la frime, comme on les découvre aujourd’hui dans leur
production plus que spectaculaires.
Je ne veux pas dire que tous les magiciens qui ont eu une jeunesse
malheureuse sont devenus pédés, mais le pourcentage d’homo chez les
magiciens est plus élevé que dans l’ensemble de la population avec,
bien sûr les coiffeurs, les stylistes et autres stéréotypes…Mais
qui a su faire passer le rêve à cette époque ? Channing Pollock,
Doug Henning, Lance Burton, Jeff Mac Bride et Urri Geller ?! Tous
des hétéros à mort ! Pas un seul pédé dans le lot…les homos
étaient trop occupés à cacher leur souffrance.
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La GAY PRIDE de juin 1997 rassemblait plus de deux cent mille
personnes et était la manifestation la plus spectaculaire de l’année.
Beaucoup de gens la trouvait trop exhibitionniste. Moi non, après des
siècles de honte et de répression (n’oublions pas que jusqu’en
juin 1981 il était illégal pour deux mecs de faire l’amour) le
contre coup s’installe : on fait semblant d’être fier de son
homosexualité ! ET LA MAGIE DANS TOUT CELA ?
La triste vérité c’est que nous n’avons jamais fait la guerre
pour une idée. Nous n’avons jamais milité pour quoique ce soit . Il
y a un cinéma gay, une peinture gay, une littérature gay, mais la
magie gay n’existe pas ! Nous sommes des lopettes. Pendant que
Visconti faisait le film culte " Mort à Venise ",
(mais oui, c’est un fim homo. Avec une fille cela se serait passé
autrement : toute la souffrance de Thomas Mann s’y exprime mieux
que dans n’importe quelle biographie), pour nous, magiciens, le comble
du courage consistait à changer le costard noir contre un costume à
paillettes. Je ne connais aucun métier artistique aussi réactionnaire
et traditionnel (dans le mauvais sens du terme !) que le nôtre.
Depuis Robert Houdin, quel magicien a traité les problèmes de son
époque ? Notre seul souci a été l’alignement et le
conformisme. Et quand Jacky Jack, en pleine période rock, a joué la
provoc en faisant faire un strip-tease à l’un de ses assistants (j’ai
bien dit assistant et pas assistante), les magiciens ont osé le
huer ! ( cf. Magicus n°51 " quand la magie
siffle ! ")
Je défends aussi ma propre cause : dans mon spectacle STRIP
JOCKER, l’année dernière, je montrais le mode de la nuit des années
90 au lieu de faire du rétro. Nombre de magiciens, dont le seul mérite
est d’exister (et cela est une insulte à notre métier) ont osé
parlé de vulgarité, car j’ai évoqué le monde de la TECHNO, de la
DROGUE, et de la BISEXUALITE en 1996. Tel quel. La presse, le public a
compris. Le monde de la magie, y compris les gens puissants et riches
qui auraient pu sauver notre entreprise du naufrage, n’ont rien pigé.
L’évolution artistique continue, on ne fait plus la même chose qu’il
y a vingt ans, des films comme TRAINSPOTTING, PHILADELPHIA, l’exposition
en 1995 à Beaubourg, " MASCULIN FEMININ " ,
les photos de MAPPLETORPHE font un triomphe, tandis que la magie
ronronne dans une ambiance de frime, de lâcheté, de conformisme et de
ringardise purulente…
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