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Otto-portrait Interviews

 Propos d’Otto 

(par Christian de MIEGEVILLE)

Au fil du temps mon spectacle évolue. Au mois de juin, la première partie était comique et la seconde en techno-house. Je suis le seul magicien à travailler sur ce rythme, sur cette musique. Un magicien c’est un mec qui fait un truc et où le public s’écrie : ha ! qu’il est fort ! comment fait il ? ….maintenant, un magicien est celui qui amène le public dans un autre domaine qui le fait planer, qui le fait rêver . Pour moi, un magicien c’est quelqu’un qui fait l’impossible possible. Ce n’est pas quelqu’un qui garde ses secrets et qui exécute des tours en pensant : vous êtes tous des cons. 
Christian de Miègeville
Souvent le public me dit : c’est merveilleux de faire des choses comme ça. Par rapport à " La Révolte ", j’ai ajouté entre autres une séquence " Queen " . Je me suis inspiré de rencontres dans cette boîte branchée. Mon imagination est toujours en éveil, même sur scène, et si je disjoncte c’est une façade, un leurre pour attirer le public, mais en fait je me cache derrière cette extravagance. Sur scène je travaille sans capote, sans filet et après le spectacle je suis lessivé. Je donne tout. Quelques fois, j’ai pas les moyens d’aller plus loin, mais tout ce qui est en moi, je le donne.

Si je n’ai pas de frissons, le spectateur ne ressent rien. Il y a beaucoup de magiciens qui montent sur scène en présentant une illusion simplement parce qu’elle est à la mode ou Otto Wessely en scène parce que quelqu’un d’autre a du succès avec. Mais ils n’y mettent pas de sentiments. La force intérieure de Richiardi Junior est un exemple. Sinon le public reste froid et indifférent, il faut être à fond chaque soir. Il n’y a pas de mauvais public, tout dépend du magicien.

Je pense que les magiciens sont masochistes : dans ma séquence comique, je me moque d’eux et c’est ceux que je parodie qui se reconnaissent les premiers. La magie actuelle en France est figée. Elle reste trop traditionnelle, parce que les magiciens ont peur. Ils s’agrippent à un rail de sécurité en se disant : ainsi on va m’engager. Cette démarche ne fonctionnera pas demain. De plus ils sont trop attachés au matériel, aux appareils. La magie est dans la personne et non pas dans les illusions.

Ma personnalité, voilà ce qui m’a rendu célèbre. Pas mon matériel. Aujourd’hui de part me nombreux voyages je suis citoyen du monde, de cette planète qui devient de plus en plus petite. En France, c’est la liberté, on peut ouvrir sa gueule sans être censuré. Nous sommes privilégiés par rapport aux américains. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi de vivre en France. J’ai un passeport français. Je n’ai plus envie de retourner en Autriche. Le pays est trop petit, le citoyen est trop surveillé. Tout est informatisé et le peuple est xénophobe. Un homme libre c’est quelqu’un qui n’a peur de rien. L’avenir pour mon fils ou mon spectacle qui ne marche pas, ça c’est une véritable peur. D’être complètement libre c’est de pouvoir aller au bout. La peur empêche d’évoluer. Dans notre métier, réactionnaire et traditionnel, je trouve que les magiciens ne sont pas assez gonflés. En France, il y a vingt cinq ans , un homme, Dominique Webb n’a pas eu peur. Il a fait des choses monstrueuses et de la télévision. Aujourd'hui, c'est Gilles Arthur. Je vous fabrique une émission avec les plus grands magiciens du monde. Et il l'a fait !

Copperfield, pour moi, c’est un vrai magicien. Il fait l’impossible-possible. Par exemple, il sait voler. Le rêve de l’humanité. Il est beau, riche (c’est vrai sa beauté se discute ! ma femme Christa le trouve gerbant ) et le plus génial c’est qu’il se tape un canon, l’une des filles les plus belles du monde : Claudia Schiffer. Avec ça, il fait planer tout le monde…

J’ai pas envie de lui ressembler. Je fais de la magie comique. Je ne dis pas que Copperfield est dénué d’humour ; il faut en avoir une sacrée dose lorsqu’on s’envoie en l’air. Mais c’est une hyper production !

Ce n’est pas parce que je sais comment il fait que je vais le faire. Dans un restaurant on connaît les ingrédients pour faire un plat mais on est incapable de le réussir.

Copperfield ne pourrait pas faire une séquence comique de vingt secondes. Il sait comment c’est construit, mais il ne pourrait pas le faire. C’est pas son truc. J’ai inventé un style attaché à la techno house…. Copperield prend tous les mouvements, les musiques, l’esprit et le style des années quatre vingt. C’est un golden boy de New York de ces années-là. Je préfère des magiciens qui font naître de vrais émotions. J’en ai éprouvé lorsque j’ai assisté en direct à la télévision Sud Africaine au discours du président de Clerck lorsqu’il a aboli l’apartheid. C’était très émouvant.

Pour moi la magie est très liée à la transe, la musique, la méditation et les produits chimiques. On peut voir très loin au-delà de la parole. J’ai vu le Paradis et j’ai goûté un peu à l’Enfer. Je crois à la vie après la mort et je connais les paradis artificiels. Je connais les drogués d’argent, d’alcool, d’amour, d’héroïne, d’ecstasy, de connerie. La connerie c’est aussi dangereux que la drogue . L’idéal, c’est d’être drogué d’Amour. C’est difficile.

Le bonheur n’est pas dans le passé. Il est dans ce que l’on espère et surtout chez les autres. Le seul vrai bonheur vient d’autrui à 100 %. Un mirage de bonheur, c’est la communication avec vingt ou deux mille personnes sur scène. La vie après la mort c’est le bonheur absolu. L’amour sans sexe, désintéressé. C' est magnifique, magique….Cela me gêne de parler de mon spectacle comique après ces quelques réflexions. Je n’ai pas peur de la mort. Le bonheur on peut le trouver aussi dans un sourire. La générosité, ce n’est pas d’inviter un artiste à bouffer ou lui donner du fric. C’est un sourire dans la rue. Souvent en boîte, les gens sourient d’un geste ou d’un clin d’œil amical. La vraie générosité c’est KARAYAN. Il était bourré de fric. Il a décortiqué chaque note, chaque détail avec le Philharmonique de Berlin. Il a répété pendant des semaines pour que la symphonie soit pure, cristalline, transparente. Et aujourd’hui, on parle de KARAYAN et de son œuvre. Le chef d’orchestre souffrait d’un cancer des os, pour lui un marty. Mais il a continué à travailler. Son avenir était assuré sans l’enregistrement ou la production à Berlin, sa fortune en millions était déjà faite. C’est la générosité. Avec la passion, surtout travaillant dans la souffrance.

Je pense être généreux avec la magie. J’adore la house music, la techno, et demain je finirai peut être photographe Je suis sensible à ce qui m’entoure, aux hommes, à la nuit, à la nature, aux saisons. Je crois aux fantômes, aux esprits. Ils nous aident souvent. A l’Hôtel du Nord, à côté du théâtre (Espace Jemmapes), au mois de mai , je n’oublierai jamais cela : c’était le vingt mai, deux semaines avant le début du spectacle. J’étais hyper accro à une certaine substance. Je buvais une bière avec une copine. Elle me dit : Otto, je vois plein de fantômes qui passent. Elle sortait de l’hôpital et le traitement qu’elle avait reçu, l’avait peut être rendu sensible à ce genre de manifestations invisibles. Je crois à la métaphysique, mais j’y suis pas très réceptif. Je lui rétorque : moi, je ne vois rien du tout ! Quelques instants plus tard, une personne rentre, charismatique, s’approche directement et à commence à nous parler. Pendant deux heures, j’ouvre mon cœur à un parfait inconnu, étudiant en médecine, et depuis ce jour, j’ai décroché. Je n’ai jamais retrouvé cet homme. Trois personnes l’ont vu : mon amie, moi et le peintre de l’Hôtel du Nord qui terminait la décoration. Victor, le peintre, aussi touché que moi, l’a même représenté en peinture au plafond !

J’aime aussi la nuit, c’est moins formel que la journée. En discothèque tout le monde est identique. On ne connaît que le prénom, on parle, on sympathise. C’est l’être humain qui compte, pas sa fonction. C’est à la fois magique et très enfantin. On s’amuse. J’aime bien ce qui est ambigu. C’est plus intéressant et plus bandant.

Je suis bien aux entre-saisons. Le mois de juin ou octobre, c’est comme les gens : ni tout blanc, ni tout noir. C’est ce qui me touche. Les êtres ambigu m’intéressent. Schindler, ce personnage, héros du film " la liste de Schindler ", est un homme hyper ambigu. Ce n’était pas un ange puisqu’il a gagné de l’argent sur le dos des juifs. Puis il tombe par hasard sur le bon côté. Il reste humain. Son alter ego, le directeur des camps de concentration, lui ressemblait mais était touché du mauvais côté. Tous les deux sont ambigus, donc intéressants. Schindler a eu de la chance et la volonté de sauver quatre mille juifs.

Pour en revenir à Strip Joker, je dois dire que je n’utilise pas d’animaux vivants. Il y a un seul numéro d’animaux vivants que j’accepte, c’est celui de Siegfried et Roy. Ils vivent en symbiose avec leur tigres. Par contre je ne supporte pas les illusionnistes qui font apparaître des tourterelles. L’oiseau symbole de liberté, ils le foutent dans une cage ! Ca me fait vomir.

Mes colombes et mes lapins sont en caoutchouc. Je les maltraite sur scène. Il y a une séquence où je plonge un lapin dans un mixer, je mets en marche et je bois le jus du lapin….cela a été censuré à " Attention Magie " . J’avais demandé à mon fils d’être dans la salle avec un lapin en peluche sur les genoux….je viendrai te l’arracher et tu te débattras !

Dans mon numéro, je demande si quelqu’un a un lapin sur lui ? Mon fils lève le doigt et je fonce sur lui et je prends le lapin pour le précipiter dans le mixer. Vincent Perrot et Gilles Arthur se tordaient de rire. Je mettais du sang partout.

Propos recueillis par Christian de Miégeville, un soir ou un matin, quelque part à Paris au mois de septembre 1996.