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Interviews Otto - portrait

 Magicien Zappeur 

 (par Christian de Miègeville) 

OTTO WESSELY en 8 dates

1945 : Naissance en Autriche

1963 : Spectacles dans les fêtes foraines. Restera 7 ans.

1968 : Rencontre de Christa, sa femme, partenaire.

1980 : " La révolte des colombes "

1984 : Crazy Horse de Paris. Restera 7 ans.

1988 : Naissance de Thomas, leur fils.

1996 : " Strip Joker "

2001 : Crazy Horse de Las Vegas au MGM.

Otto WESSELY, 55 ans, illusionniste au comique dévastateur.

Comédien de la magie, rêve éveillé, toujours.

  MAGICIEN ZAPPEUR  

Accoudé au comptoir, en treillis et tee-shirt Galiano, Otto WESSELY, magicien, patiente. C’est un jour sans cuirasse. Le corps longiligne, éternellement debout.

" Je mourrai debout, nu sans doute, avec le soleil de Bernardin pour témoin. "

Le ton est donné, d’emblée, sans fard, ni fioriture d’illusionniste. Alain Bernardin, créateur du Crazy Horse de Paris est son Pygmalion défunt, son esprit second.

On est séduit. Le patron du bar feuillette son press-book aux délirantes photos grand format. Toute sa carrière est là, pêle-mêle offerte aux regards indécents de deux vieux avinés au blanc.. Leurs commentaires seraient dignes de figurer dans un recueil de " Brèves de comptoir ". Ils s’interrogent. Un magicien en frac dans une pelle mécanique au-dessus d’un immense tas de détritus…la photo d’un lapin géant en lévitation…

" - C’est vous, là, sur les photos ?Ouais…

Puisque vous êtes magicien, vous pourriez pas nous faire disparaître l’addition ? " persifle l’un des deux compères.

Otto sourit, pirouette et paiera discrètement la note à la fin de l’entretien. Sans un mot, naturellement. Puis, au volant de son break customisé de portraits de Léonardo di Caprio, il s’enfuira. Comme toujours. " Si j’avais eu sa gueule, je serais devenu champion du monde des magiciens ".

Au lieu de cela, il obtiendra dans des concours ringards pour illusionniste en manque de reconnaissance, un Premier Prix de Magie Comique au Congrès Mondial de la Magie en 1982. Sa coupe, il s’en sert de …poubelle…dans son numéro.

On l’a compris, Otto WESSELY ne se prend pas au sérieux.

 

A 55 ans, ( il est né le jour de l’invasion russe en Autriche) ce magicien décadent s’anime dans des univers comme ceux de Jules Laforgue. Depuis sa naissance, il est un homme blessé. Il est méfiant, discret, trop sans doute sur le premier tiers de sa vie. Il cache des souffrances d’un enfant meurtri : " Moi, on ne m’a pas respecté quand j’étais petit. ". C’est la magie qui lui donnera un coup de fouet. Il commence à 18 ans. Pingouin dans un frac étriqué, il écume les fêtes foraines, époque où les magiciens, denrée rare, étaient présentés comme des monstres de foire. " Je m’y sentais bien dans cet univers d’exhibitions… "

On y vient. Un jour, du haut de son podium, il demande aux spectateurs si quelqu’un a quelques marks pour payer son taxi. Une jeune femme, grande et brune, lui fait signe. C’était fait. L’Amour. Il l’épouse afin de devenir adulte. " Nous avons parcouru deux fois le tour du monde et nous élevons un fils de douze ans ".

Christa Wessely, sa femme, est sans nul doute l’homme de sa vie.

Depuis quelques années, Otto n’a qu’un souhait : le spectacle total. Tenir les scènes pendant plus d’une heure sans boîte, sans paillettes, avec pour seul message faire vivre dans le théâtre les fantasmes du public. Gonflé, le Otto ! sans doute, mais quel programme alléchant ! Ce magicien de la nuit doit avoir des journées lentes et des nuits bruyantes, des vies multiples. De galas minables en banlieue aux cabarets illustres de la capitale ou d’Afrique du Sud, Otto et Christa s’offrent nus, à cœur ouvert.

Et le spectacle total s’amorce. " La Révolte des Colombes " que ces " cons de magiciens enferment dans des cages " sera élu l’un des spectacles les plus drôles de Paris dans les années quatre-vingts. Puis, " Strip-Joker ", la seule création techno-magique créée en 1996. Les illusions atteignent le frémissement de l’enfance : désordonnées, jaillissantes, celles qu’il n’a pas eues.

"  - C’est quoi, cette belle photo ? demande l’un des anciens.

Attentif à l’autre, de façon franche qui attache, il parle sans se livrer.

  • ça, c’est Avignon en 1998. Le Festival off.

Avec " Nuit Parisienne ", il n’obtiendra rien, pas une critique et y perdra de l’argent. Ses spectateurs ressemblent à des albums à colorier avant le coloriage. Otto est le pinceau, Christa la palette et il laisse le choix des couleurs aux spectateurs. Mais cela ne fonctionne pas. Quand la caisse est vide, ils retournent au cabaret. L’histoire d’Otto s’écrit dedans et dehors, cousue de misère et de bonheurs, dans cet univers de la nuit où la main caresse souvent dans le sens des poils pubiens.

Alors , en 1983, il est engagé au Hilton de Las Vegas. L’année suivante, il entre en grâce au Crazy Horse de Paris jusqu’en 1990. Puis le Brésil et l’Allemagne aux cabarets à l’atmosphère si particulière. L’ombre d’un Brecht ou de Eartha Kitt gronde encore dans ces lieux. Mais Paris lui manque, ses nuits, ses amis et sa maison. Il échouera au Paradis Latin qui le reniera avec la Nouvelle Revue. On change les décors, les plumes et les visuels qui vont avec. Otto n’est pas une marchandise ou un intermède comique. Il est plus que cela. Bernardin veille sur son protégé. Le MGM de Las Vegas amène le Crazy Horse dans ses murs, une salle à l’identique et les artistes de Paris.

Le 1° Septembre 2001, Otto et Christa repartiront tous les deux, dix-huit ans après le désert de Nevada. Le cercle est fermé, la boucle bouclée.

La plupart des hommes, même vieux, demeurent des adolescents blonds, toujours menacés. Cet être au visage d’enfant meurtri, comme l’appelle Claudel, a aussi un cœur incapable de vieillir, comme l’écrit François Mauriac.

C’est dans cet univers de spectacles que les magiciens Otto et Christa WESSELY entreront debout dans la cour des grands.

Christian de MIEGEVILLE