Lettre à monsieur Bernardin |
Cher
monsieur Bernardin.
Début décembre lors d’une sortie avec une copine du Crazy Horse (je sais, c’est défendu mais cela fait doublement plaisir !) nous discutons, comme c’est souvent le cas de Bernardin. |
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Otto me dit –elle, tu devrais lui
envoyer une lettre personnelle : cela lui ferait plaisir. Rien que
l’idée de vous écrire une lettre personnelle me paraissait aussi
infranchissable que de vous demander un bisou (mais on y pense…)
Comment rédiger quelque chose de personnel à un homme qui ne
communique qu’à coups de notes de services et d’avertissements,
quand il ne nous envoie pas à la figure le règlement intérieur de la
Maison en guise de réponse… Commencer par " cher
ami " ? " Alain " ? ou
" Monsieur " ? L’idée d’attaquer par
"vieille salope" parcourt mon esprit et m’amuse joyeusement mais, au fur
et à mesure que la soirée |
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Chacun s’accordait à dire : Otto et Bernardin sont les opposés. Je n’en suis pas si sûr. Pour la discipline je l’admets. Pour l’intransigeance, c’est déjà moins évident, et en ce qui concerne l’humour, il y avait des farces que vous étiez le seul à comprendre. | |
Parce que vous saviez mieux que quiconque la férocité de l’humour. Communiquer avec vous nécessitait les services de trois personnes : moi, un psychiatre et une voyante. Quand je parvenais à déchiffrer vos conseils pour mon numéro, c’était toujours dans le mille. Merci ! vous étiez un homme secret, et cela animait d’autant les conversations. Au cours d’une soirée en 1981 en Afrique du Sud, je me suis retrouvé avec une de vos ex danseuses et une de vos ex secrétaires. De quoi pouvait on parler ? De Mandela, de Dieu ? Non ! De vous….Et comme d’habitude, on a bien rigolé. Vous étiez impoli, brutal, injuste et dur…mais une chose est certaine : vous ne laissiez personne indifférent et étiez bien plus humain qu’il n’y paraissait au premier abord. D’où vient cette sensibilité, ce sens de l’esthétique, cette intuition, cette générosité et ce goût de l’extravagance ? Cela ne vient pas de la tête mais des tripes : vous possédez une âme avec un grand A . Cette Ame qui ne laisse pas de trace de business. Parfois on vous haïssait, souvent on vous respectait et on vous aimiez bien plus que vous ne pouviez le penser. |
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Vous étiez émouvant en 1989, quand vous caressiez les marionnettes des Blackwitts dans les coulisses, persuadé que personne ne vous voyait. Ou en 1984, lorsque vous étiez le premier à faire confiance à un fou nommé Otto Wessely , en lui signant un contrat de longue durée… |
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Le lendemain de votre décès, j’ai fait un bout de chemin avec vous et nous discuterons ensemble dans quelques années au Paradis. On va bien se marrer tous les deux. Otto. |